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En septembre 2001, l’explosion de l’usine chimique AZF de Toulouse posait avec une acuité nouvelle le problème de la présence d’industries dangereuses dans une zone densément peuplée. Collectivités locales, État, experts et riverains de ce type d’établissements se mobilisaient alors pour tenter de comprendre les raisons de ce terrible accident : comment avait-on pu, malgré l’adoption d’une réglementation sur les établissements classés dès 1810-1815, parvenir à une telle situation? Peu sollicité, l’historien peut pourtant apporter certains éléments de réponse. Dans le cadre d’une ville de province telle que Grenoble, analyser les rapports des citadins à l’environnement dans une perspective historique permet d’appréhender l’évolution des sensibilités et la responsabilité des différents acteurs. Entre la protection de la santé publique et le désir de favoriser l’essor économique, quelles sont, au XIXe siècle, les préoccupations des autorités publiques, à l’échelle nationale et locale ? Agissant dans le cadre de services municipaux en formation pour la gestion des ressources urbaines et la limitation des nuisances domestiques, elles n’ont pas toujours les moyens d’intervenir sur les localisations industrielles et l’organisation de l’espace citadin. Or, dans un espace urbain et industriel en pleine mutation avec l’essor des secteurs de la ganterie, de la cimenterie, puis de la construction mécanique en liaison avec le développement de l’hydroélectricité, la multiplication et la diversification des nuisances, des pollutions et des risques sont pourtant à l’origine de nombreuses plaintes d’habitants. Entre des notables soucieux de leur cadre de vie, et la résistance à la désodorisation et à la désonorisation de la part de certains groupes sociaux, la diffusion des sensibilités aux nuisances, la modification des discours et des mentalités s’avèrent difficiles. Sous l’effet des découvertes scientifiques et médicales, des transformations urbanistiques, des contextes culturels et sociétaux, s’élabore progressivement une représentation moderne de l’environnement urbain. Celle-ci varie selon les nuisances vécues, redoutées ou en fonction des sens atteints. De la préservation de la santé à la défense d’intérêts économiques et à la revendication d’un environnement public et privé confortable, la part des différents arguments reflète, au sein des préoccupations citadines, des univers symboliques bien distincts, le processus de diffusion des sensibilités connaissant une extension à la fois sociale et géographique. Agrégée d’histoire, Estelle Baret-Bourgoin est actuellement professeur de lycée, après avoir été attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’université de Lyon II et de Grenoble II. La ville industrielle et ses poisons est tiré de sa thèse de doctorat soutenue en 2002 à l’université de Lyon II. Membre de l’équipe « Ville et sociétés urbaines» du Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (UMR 5190), elle poursuit ses recherches sur l’hygiène, les modifications de l’environnement urbain sous les effets de l’industrialisation et l’évolution des sensibilités des sociétés urbaines aux XIXe et XXe siècles.