Pourquoi, en passant du corps humain au corps social, l’événement épidémique provoque-t-il immanquablement un séisme religieux ? Comment engage-t-il simultanément toutes les figures de la Providence divine, punisseuse, guérisseuse, horlogère, éthique ou miséricordieuse ? Comment divise-t-il profondément toutes les confessions, les forçant à penser et à agir autrement ? De la peste antique et médiévale au coronavirus contemporain, en passant par les varioles, les choléras et les grippes modernes, sans oublier le persistant sida, de Paris, Rome, Boston à Istanbul, Moscou, Islamabad, des cathédrales gothiques aux pagodes bouddhiques en passant par les synagogues sépharades et les mosquées chiites, voici le panorama époustouflant du face-à-face historique et mondial des religions face à l’irruption d’un mal invisible, incompréhensible et implacable. Cette étude sans précédent montre que nous n’avons rien inventé. Les hiérarques religieux ont pavé la voie des gouvernants politiques. Mobilisations sanitaires, mesures préventives, ritualisations collectives, discordances scientifiques, recherches de boucs émissaires, réflexes complotistes, contestations populaires : le clerc d’Église d’autrefois et le clerc d’État d’aujourd’hui ont à affronter la même crise de l’explication, de la certitude, de la résilience. Et ils le font avec les mêmes moyens. Car tous deux doivent restaurer la croyance, ici sacrée, là séculière. Cette somme sans concession, qui renseigne comme jamais, amuse souvent, effraie parfois, et conduit ainsi à la plus cruciale des questions actuelles : et si les images de Saint-Pierre, Lourdes, La Mecque, Bénarès vides pour la première fois indiquaient que la Covid-19 a effectivement inauguré une nouvelle page dans l’histoire de l’humanité ?