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Conteur devant une assemblée à Beyrouth
Descriptif :
Loin d’être inconnue des orientalistes du XXe siècle, Sīrat al-Malik al-Ẓāhir Baybars est restée longtemps exclue des études littéraires arabes. La publication en France entre 1985 et 1998 de la traduction (inachevée) de la tradition alépine de ce gigantesque roman populaire a permis de révéler une œuvre majeure de la littérature patrimoniale du Levant. Au-delà de son intérêt littéraire, cette traduction a attiré l’attention sur l’absence d’une édition critique apte à susciter de nouveaux travaux sur l’imaginaire populaire de cette région.
En effet, la seule édition disponible de la Sīra à cette époque avait été réalisée en 1909 en Égypte, à partir de la tradition cairote, sans commentaire ni même ponctuation. C’est pour pallier cette lacune que l’Institut français d’études arabes de Damas a acquis les cahiers du conteur dénommé Abū Aḥmad al-Minšī, datés de 1949 et composés de 23 000 folios, pour que soit entreprise en 2000, sous la direction de Georges Bohas, une édition critique rigoureuse et respectant le texte et son « âme » populaire. En 2008 furent découverts deux autres manuscrits, l’un ayant appartenu au conteur dit Abū Ḥātim dont nous ne savons rien, l’autre ayant vraisemblablement servi à plusieurs conteurs du café al-Ḥiġāz au centre de Damas. Seize volumes de la Sīra ont paru depuis 2000 aux Presses de l’Ifpo. La parution du 18e et dernier volume est prévue pour 2020.
Les témoignages collectés par Iyas Hassan au Liban et dans les Territoires palestiniens en 2015 et 2016 montrent que la pratique consistant à conter ces gestes dans les cafés populaires a totalement disparu de villes comme Tripoli, Saïda, Beyrouth, Baalbek, Jérusalem ou Naplouse, dans des contextes conflictuels similaires au contexte syrien. Dans ces pays, les derniers témoignages remontent en effet à la fin des années 1930 à Jérusalem et au début des années 1970 à Beyrouth et Baalbek. Il ne reste plus aucune trace du Roman de Baybars dans ces villes qui avaient vraisemblablement chacune sa propre tradition (comme c’est le cas pour Le Caire, Damas et Alep), et qui font par ailleurs partie des lieux où se déroulent les événements de la Sīra.
Cette perte irréversible a toutefois constitué un motif pour les jeunes conteurs de ces pays pour réinvestir cette pièce de leur patrimoine à partir de la version damascène éditée. Le projet a connu en 2016 une précieuse ouverture sur le monde des jeunes conteurs dont plusieurs en Jordanie, dans les Territoires palestiniens et au Liban, qui se réapproprient aujourd’hui ce texte en l’adaptant à leurs différents parlers . Grâce à un programme de recherche, un grand texte patrimonial connaît, en ce début du XXIe siècle, une nouvelle vie dans la région où il a vu le jour voici près de sept siècles.
Objectifs : Dépositaires de cet héritage scientifique exceptionnel et de la responsabilité de le conserver, de le valoriser et de le transmettre, le porteur du projet et les membres de l’équipe LiPoL souhaitent mettre ces manuscrits à la disposition de la communauté scientifique, créer un outil de travail numérique en libre accès, relancer la recherche dans ce domaine et soutenir et accompagner l’action des jeunes conteurs dans les pays du Proche-Orient. Les objectifs du projet se structurent autour de trois points :
- Redynamiser le champ de l’étude du conte populaire au sein des études arabes et islamiques en mettant l’accent sur les études historiques modernes et contemporaines, en observant l’appropriation de ce roman par les jeunes conteuses et conteurs et son adaptation aux problématiques sociales et politiques contemporaines de la région, et en acquérant un nouveau fonds de manuscrits inédits
- Permettre l’exploitation des manuscrits numérisés.
- Former des chercheures et chercheurs (1 contrat doctoral, 1 postdoctorat) pour renouveler le champ disciplinaire.