Séminaire « Familles et individus en Europe de l’époque moderne à nos jours »

Thématique de l’année 2023-2024

Qu’est-ce qui n’est pas politique ?

Ce séminaire, proposé parmi les enseignements du Master Études du genre, parcours MATILDA, entend donner plus de visibilité à un champ historiographique peu représenté aujourd’hui, celui de l’histoire de la famille et des relations de genre en son sein. À la vision traditionnelle de sociétés anciennes dominées par une conception organique de la famille à laquelle l’individu serait subordonné, et par opposition, d’un monde contemporain caractérisé par l’affranchissement de l’individu du carcan familial, ce séminaire voudrait substituer une interrogation des formes d’autonomie qui existaient autrefois dans les relations familiales et, a contrario, la persistance ou l’existence de contraintes familialistes ou holistes à l’époque contemporaine. Travailler sur l’interaction entre l’individu et le groupe familial est le moyen d’aborder la famille dans une perspective dynamique comme un espace de conflits et de solidarité, d’émancipation et de contraintes, de sentiments et d’obligations, de ressources et de stratégies. Dans cette double perspective, le séminaire s’offre comme un lieu pour réfléchir, sur la longue durée et dans une perspective prenant en compte les rôles genrés des acteur.ices, aufonctionnement et à l’évolution non linéaire du monde social en se plaçant à l’intersection de plusieurs disciplines : l’histoire, la démographie, la science politique, le droit, la littérature, l’anthropologie et la sociologie.

Ce séminaire soutenu par deux laboratoires du site lyonnais, se situe au croisement des axes « Genre et sociétés » et « Régulations » du Laboratoire de Recherche Historique Rhône-Alpes, UMR 5190, et du chantier transversal « Genre, Féminismes et Politique » du laboratoire Triangle, UMR 5206.

Le séminaire est bien sûr ouvert à toute personne inscrite en master et doctorat dans l’un des établissements de tutelle des deux laboratoires : CNRS, ULL2, UJM de St Etienne, IEP de Lyon, ENS de Lyon.

Présentation de la thématique de l’année

La question de l’informalité du politique, de la « politique sans en avoir l’air », faite « ailleurs » [que dans les espaces dédiés de la démocratie représentative] ou « autrement » [que par la médiation des partis ou de l’élection], comme la notion de l’infrapolitique, questionnent de plus les chercheu.ses en sciences humaines et sociales, ce dont témoignent plusieurs publications relativement récentes à l’articulation de l’histoire, de la science politique et de l’ethnographie1. Elles invitent à s’interroger sur la définition et les périmètres habituellement admis de l’action politique, quitte à se pencher aussi sur son envers, la « dépolitisation ». Il y a, ici, une volonté renouvelée de trouver du politique là où il se « cache », ne se dit pas, ne s’énonce pas, voire refuse d’être qualifié comme tel, en montrant que l’absence de politique est politique.

Nous voudrions nous pencher sur des espaces et des répertoires d’action qui relèvent de la même démarche (identifier les frontières du politique) mais sont généralement délaissés par ces approches. Là où depuis les années 1970, on a coutume de considérer la « sphère privée », domestique ou intime comme politique, notamment en raison des relations de pouvoir qui la traversent [« le privé est politique »], mais également dans les liens établis de longue date entre la famille comme société politique et les définitions de l’autorité et de la citoyenneté, qu’en est-il des politisations « forcées », des phénomènes de repolitisation de démarches qui, au dire des individus concernés, ne l’étaient pas ? Dans quelles périodes particulières, dans quelles circonstances, dans quels cas particuliers, des actes et des prises de paroles ont-elles été requalifiées2 comme « politiques », et pour quelles raisons, avec quelles finalités ? Dans quelles circonstances les personnes ont-elles intérêt ou cherchent-elles à échapper au politique ? A quelles conditions une question non identifiée comme politique parvient-elle sur l’agenda et devient-elle un « problème » ?