000
100
%
Dans le royaume de France à l’écrasante majorité catholique et gouverné par un roi « très chrétien » que le sacre, en en faisant le lieutenant de Dieu sur terre, rend comptable du salut de ses sujets, la question des rapports entre protestantisme et justice est particulièrement cruciale. Du XVIe au XVIIIe siècle la justice royale a évolué : au XVIe, l’hérésie, prise en main par la justice royale, apparaît comme un crime abominable et doit être réprimée ; mais il faut aussi rétablir la paix dans le royaume déchiré par les premières guerres de religion et la justice est un des instruments qui y contribuent. Au XVIIe siècle, alors que la paix religieuse règne en principe depuis l’édit de Nantes, le pouvoir n’a pas perdu l’espoir de convertir les réformés, rétablissant ainsi l’unité spirituelle du royaume. Les moyens pour atteindre ce but sont divers, la législation en fait partie et les procès se multiplient à l’encontre des réformés. Après la Révocation, la justice royale pour laquelle il n’existe plus de protestants mais seulement des « sujets rebelles », s’active à les poursuivre de toutes les manières possibles. Mais ce volume ne se contente pas de faire la chronique de la répression judiciaire au service de la paix ou de l’unification religieuse du royaume. Il explore également le regard particulier sur la justice que peuvent avoir les protestants ; c’est ainsi que les récits de martyres et de massacres remettent en quelque sorte en cause le pouvoir royal, et que la littérature, en dressant un tableau de la situation des protestants et donc de la justice qui s’applique à eux, produit une « justice fictionnelle » au service de la cause réformée. Il s’interroge également sur le rôle des gens de justice nombreux dans certaines Églises réformées et qui ont pu jouer un rôle important de défense des droits de leurs coreligionnaires. Il importe enfin de replacer la question dans l’histoire plus globale de l’histoire de la justice, se demander si les protestants constituent des justiciables comme les autres, si la justice fait preuve envers eux de la souplesse qui la caractérise, si l’opinion publique ne compte pas plus que les raisons politiques dans l’évolution de la pratique judiciaire. Au-delà du constat, indéniable, d’une répression souvent très forte, l’ouvrage invite à s’interroger sur le rôle régulateur de la justice, dont l’objectif est d’abord de retisser le lien social, détruit ou menacé par telle ou telle déviance, ce qui passe quelquefois par le châtiment, mais aussi beaucoup plus souvent par le pardon ou par l’oubli. Ce livre rassemble les communications faites lors de la journée d’étude qui s’est déroulée à Angers le 28 mai 2010. Elle a été organisée par Didier Boisson, professeur à l’université d’Angers, membre du CERHIO et Yves Krumenacker, professeur à l’université Lyon 3, membre de l’Institut Universitaire de France et de I’UMR 5190 LARHRA. Consulter une recension en ligne : Archives de sciences sociales des religions H-France.