Sans peur et sans reproche. Pierre Terrail, seigneur de Bayard, né vers 1473-1476, mort en 1524, est sans doute le personnage historique qui incarne le mieux l’épopée des chevaliers. Il fut de toutes les campagnes et de toutes les grandes batailles de son temps, toujours intrépide et loyal, désintéressé et humain. Il mourut l’épée à la main, le 30 avril 1524, à la veille de la désastreuse bataille de Pavie (1525) qui vit le roi prisonnier et la fleur de la chevalerie française terrassée par les arquebusiers espagnols. Les armes à feu avaient désormais raison de la lourde cavalerie d’élite sur les champs de bataille. La chevalerie, à l’image de Bayard, était à son crépuscule.Au temps de Machiavel et de la raison d’État, si beaucoup furent « sans peur » autour de Bayard, mourant comme lui au champ d’honneur, peu furent qualifiés de guerriers « sans reproche ». Pour mériter une telle réputation, il fallait éduquer son corps et son âme depuis l’enfance, savoir combattre et mourir selon un code d’honneur que partageait l’élite guerrière de l’Europe de la Renaissance. Si reproches il y avait, ils devaient être aussitôt lavés dans l’honneur d’un combat singulier interprété comme le jugement suprême de Dieu.La vie de Bayard comporte de nombreux vides que ses biographes ont comblés en romançant quelque peu les faits, quand ils ne les ont pas inventés ! Néanmoins, le parcours objectif du chevalier se singularise par le fait qu’il montre un homme qui, dans la guerre comme dans la paix, sut toujours se conformer à ce que lui dictait son honneur, plaçant constamment son intérêt personnel au second plan. Il n’y a pas d’ambition affichée chez Bayard, mais la quête d’une pureté absolue, celle d’une épée mise exclusivement au service du roi et de son Dieu. Ses premiers biographes, ainsi que beaucoup d’autres par la suite, amplifièrent ces traits et brossèrent de lui un portrait idéalisé, confinant à une forme de sainteté chevaleresque, propre à servir de modèle à toute une aristocratie alors en perte de repères.Mais n’est-ce pas le propre des héros ? À savoir d’exister pour donner un sens et des certitudes à une époque plongée dans la confusion et le doute.