Religieux dominicain après avoir été contrôleur des impôts et membre des conférences Saint-Vincent de Paul, le père Lataste est un personnalité marquante de la génération dominicaine qui a suivi celle de Lacordaire. Envoyé prêcher une retraite aux détenues de la centrale de Cadillac, sa ville natale, il a été stupéfait des rencontres qu’il a vécues avec elles. Ces femmes que l’on considérait comme des « filles perdues » et dont on considérait la récidive comme presque inévitable se révélaient être des femmes humiliées mais désireuses d’une vie normale. Quittant la prison, le père Lataste écrivait « mon coeur s’emplissait de larmes en pensant à ces femmes qui m’étaient devenues si chères et qui étaient mes soeurs après tout, mes soeurs en Adam, mes soeurs en Jésus Christ. » Il s’engage alors dans une aventure inédite dans l’histoire de l’Église, la fondation d’une communauté de religieuses acceptant parmi elles des femmes sortant de prison. Mais, en disciple de Lacordaire, il ne se contente pas d’être fondateur, il fait de cette fondation un geste politique, tentant d’interpeller par là l’opinion publique sur la situation des femmes sortant de prison. Si elles sont capables d’être des religieuses à part entière, pourquoi leur refuser une place de domestique ou d’employée qui les sauverait de la récidive. Son combat s’est terminé prématurément, puisqu’il est mort à 36 ans, en 1869. Il a cependant été fécond, non seulement par la vie de cette congrégation originale des dominicaines de Béthanie, mais aussi par des multiples initiatives inspirées par le père Lataste, la dernière en date étant la naissance d’une fraternité laïque dominicaine de détenus aux États-Unis, dont l’histoire est racontée en introduction.Jean Marie Gueullette, membre de l’équipe RESEA au sein du LARHRA, est enseignant chercheur à l’Université catholique de Lyon. Il avait déjà publié l’édition critique des prédications du père Lataste en prison (Prêcheur de la miséricorde, Éd. du Cerf, 1992). Il prépare actuellement la publication de son dossier de recherche pour l’HDR intitulé « Eckhart en France », sur la lecture des Institutions attribuées à Tauler et leur influence sur les auteurs spirituels du XVIIe siècle.
