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ANR BLANC n°06-03_138097

Documents

Présentation du projet lors des 20 ans de l’ISH : Vidéo de 20minutes.

Résumé du rapport de recherche : L’immeuble de rapport à Lyon, (1860-1990) (pdf)

Objectifs et contexte

L’économie urbaine est aujourd’hui un domaine de recherche relativement bien balisé. Certains auteurs considèrent cependant qu’elle reste le parent pauvre des recherches actuelles. Que dire alors de la dimension historique de ce type de questionnements ! De manière générale, au cours des deux dernières décennies, les historiens ont laissé en friche les domaines économiques pour se concentrer sur ceux de la culture et des représentations. Si les aspects sociaux et les dimensions imaginaires de l’espace urbain ont donné lieu à de nombreuses recherches, il en va tout autrement de la fiscalité urbaine, en particulier pour les villes de la fin du XIXe et du premier XXe siècle, de l’histoire des prix fonciers, des valeurs locatives ou de la rentabilité de l’immobilier. La méconnaissance de ces aspects constitue un obstacle important à la compréhension des politiques urbaines et pénalise les interprétations sur le temps long des gouvernances municipales. L’immobilier, en particulier, par l’ampleur des investissements qu’il représente et par l’intime liaison qu’il entretient avec l’essence même de la ville, constitue un aspect essentiel du problème.

 Une première approche a été faite sur le parc immobilier parisien par Jacques Friggitt pour le XIXe et le XXe siècle en raccordant la série des prix des immeubles locatifs (série de Gaston Duon en 1946) et celle que permettent de construire les données de la chambre des notaires depuis 1950 (Prix des logements, produits financiers immobiliers et gestion des risques, Economica, 2001). Cette exception mise à part, la thématique n’est pas et n’a jamais été véritablement travaillée et nous ne disposons pour aucune ville française ni, à notre connaissance, pour aucune ville européenne, de l’équivalent de l’ouvrage que Homer Hoyt avait publié aux Etas-Unis, au milieu des années 1930 : One hundred years of Land Values in Chicago et plus encore de l’approche comparative et cartographique développée ultérieurement par le même auteur avec son équipe de la Federal Housing Administration : The Structure and growth of residential neighbourhoods in American cities (1939).

Description de la recherche et résultats attendus

L’objectif premier de cette recherche est donc d’aboutir à une meilleure connaissance du marché immobilier en utilisant des sources massives. L’étude de son fonctionnement, sur une durée quasi séculaire, croisera différentes échelles spatiales et combinera suivi longitudinal d’immeubles et approches transversales du parc immobilier. Le travail se centrera principalement sur Lyon, mais il intégrera chaque fois que cela sera possible des comparaisons avec d’autres villes et visera à décrire des mécanismes, à créer des techniques d’études et à poser des hypothèses généralisables qui, dans l’état actuel de l’art, font cruellement défaut. Son objectif second consiste à intégrer les dimensions économiques et sociales de l’histoire urbaine de façon plus poussée qu’il n’a été fait jusqu’à présent, en prenant pour fil conducteur non plus la personne, mais l’immeuble, considéré comme un acteur par lui-même de l’histoire urbaine.

A l’achèvement du programme, une présentation comparative des résultats sera faite dans le cadre d’un colloque international, pour validation et transposition de l’approche à d’autres lieux. Les traitements mettront en oeuvre des méthodes d’analyse des données et les méthodes cartographiques et géomatiques avec la réalisation d’un Système d’Information Géographique (SIG) ainsi que les méthodes de l’analyse spatiale, pour définir l’ensemble des caractéristiques de l’immeuble dans son environnement, afin de prendre en compte ces facteurs dans l’analyse.

Orientations de la recherche

L’ensemble de données issues des registres d’immeubles d’un administrateur de biens et de l’enquête immobilière lyonnaise au XIXe siècle, devrait fournir des réponses sur le fonctionnement du monde urbain dans plusieurs directions. Au coeur du dispositif, l’analyse les grandes tendances de l’évolution des prix immobiliers locatifs et des mécanismes de leur formation. L’objectif de la recherche est de dresser une courbe de l’évolution des loyers sur le dernier tiers du XIXe siècle et sur les deux premiers du XXe siècle, de mesurer l’évolution des valeurs locatives, l’impact des conflits (en particulier du moratoire de 1914) et des différentes décisions réglementaires édictées en matière de location. La diversité du parc immobilier, même si les immeubles de l’administrateur de biens sont essentiellement à destination des élites et des classes moyennes, sera d’un grand secours pour comprendre la complexité des phénomènes que nos études préalables ont mis en relief.

Les comptes de construction des immeubles, le prix mentionné à l’occasion d’une vente, croisés avec les documents ci-dessus, devraient permettre de mesurer la rentabilité du capital, et la dispersion des immeubles dans l’espace urbain, de comparer la rentabilité dans différents quartiers de la ville. On sait ainsi que de nombreux observateurs ont souligné que, dans de nombreuses villes européennes, au XIXe siècle, le mètre carré dans un logement insalubre avait une rentabilité supérieure à celle du mètre carré dans un appartement cossu, et que donc il valait mieux investir dans des logements de piètre qualité que dans des appartements de luxe. Nous aurons là un observatoire qui permettra de répondre, pour le XXe siècle et, en particulier, pour la période de l’entre-deux-guerres, à ce type de questions.
Plus généralement, on cherchera à identifier les facteurs explicatifs des prix de l’immobilier sur cette période. Le prix du foncier et celui de l’immobilier, à un temps donné, sont non seulement liés à des facteurs relatifs aux caractéristiques de ce bien (surface, orientation, type de bâti, date de construction, forme des parcelles .) mais renvoient également à des éléments de son environnement (distance au(x) centre(s), distance aux ponts, distance au(x) centre(s) d’emplois, position des parcelles dans l’îlot et par rapport aux réseau viaire, prix des autres parcelles cédées, proximité des églises et, plus généralement, des biens publics locaux existants.). Sur ce point, l’enquête de 1884 et le SIG que nous développons dans le cadre des programmes généraux du laboratoire trouveront toute leur utilité.

Une fois ses principaux résultats en place, le modèle obtenu, de nature essentiellement économique, sera enrichi et complexifié par des travaux d’une nature plus proche de ce que l’on entend généralement par histoire sociale. On cherchera à évaluer l’incidence sur la gestion des immeubles des mobilités de la grande ville, de l’hétérogénéité sociale des locataires, ou de la stratégie immobilière des propriétaires. A l’inverse, on s’interrogera sur les conséquences des décisions de gestions sur la présence de tel ou tel type d’occupant. On évaluera l’impact des crises et des conflits sur la composition de la population de l’immeuble. L’analyse des principaux seuils et des évolutions clés des prix de l’immobilier sera croisée avec une interrogation sur les modes et les dispositifs de gestion du patrimoine immobilier par les régies lyonnaises. Sera également intégré au modèle tout ce qui touche à la modernisation des espaces intérieurs, à la mise en place des innovations technologiques (électricité, ascenseurs.), à leurs rythmes, à leurs coûts, au choix en faveur de telle ou telle solution technique.

En un mot, nous visons à explorer une piste peu fréquentée: la mise en relation des différents facteurs qui régissent la vue urbaine en partant, non pas de la reconstitution des trajectoires individuelles mais d’un observatoire physique, l’immeuble. D’une certaine manière, nous nous situons dans la perspective que l’historien britannique James Dyos assignait à l’histoire urbaine, l’analyse des interactions qui se nouent entre générations d’hommes et de femmes et générations d’immeubles.

Abstract

This project explores in detail the history of sixty rental apartment buildings in different locations in Lyon for a century between the 1870s and the 1970s, using an exceptional source : the archives of a property administrator. The reconstitution of rental prices, apartment by apartment, of the expenses and sums paid to the owner, and the establishment of relationships between the costs of construction and acquisition (using notary archives) will enable an analysis of the real estate market and its rentability that takes into account the evolution of the regulatory context and the relative position of buildings within urban space. This analysis will be refined using an GIS (geographical information system), which is in the process of being developed using municipal sources. The identification of actors in this process will progressively allow the integration of social factors into the model being developed.

The goal of this research project is to use a case study approach, given the availability of the main source, in order to build a preliminary model that allows the formulation of hypotheses based on the arrangement of factors that control the setting of building prices and their variations over time. This model will be tested and debated at the end of the programme during a workshop with a dozen international specialists in order to validate the conclusions and then propose this model as the basis for further discussion. Ultimately, the aim is to pursue other empirical studies in order to construct a general model which is sorely lacking.