000

100

%

Projet Bourgeon – Université Jean Moulin – Lyon 3, porté par Bernard Hours

Présentation :


C’est un postulat désormais classique en sciences de gestion et en économie financière que le système de gouvernance influence la performance organisationnelle et, par là-même, la capacité de survie des organisations. Du côté des historiens, l’approche la plus fréquente privilégie les moments de réforme de l’institution et l’étude des modifications éventuelles apportées au gouvernement vient en aval, dans un second temps, comme une conséquence d’une réforme qui se joue d’abord sur un autre plan, celui de la spiritualité.
L’enjeu de notre projet est donc de replacer la question de la gouvernance au centre. Il réunit des spécialistes de différentes disciplines, principalement des historiens et des gestionnaires. Pour les premiers, il contient la promesse d’un renouvellement des cadres d’analyse de l’histoire des organisations religieuses, pour les seconds, l’histoire des ordres religieux représente un « terrain empirique » de premier choix lorsqu’il s’agit d’étudier des processus organisationnels longs.
L’hypothèse d’un lien entre le fonctionnement de la gouvernance et son impact sur la survie à long terme des organisations est souvent posée par les gestionnaires, mais rarement étudiée dans les faits, car la plupart des organisations marchandes, typiquement étudiées par les chercheurs en économie et management, sont d’une relative jeunesse, et les données empiriques qui permettent d’étudier leur fonctionnement complexe sur le plan qualitatif sont souvent peu ou pas du tout accessibles.
Il en va autrement des ordres religieux, où il existe, au moins pour certains d’entre eux, des archives anciennes et très riches. Même si leur extension a été soumise, aux différentes périodes de leur histoire, à de fortes contraintes politiques, elle transcende les frontières des souverainetés et des États. Elle les a donc amenés à élaborer des structures organisationnelles à plusieurs niveaux et des modes de gouvernance adaptés afin d’assurer la cohérence de l’ensemble tout en préservant plus ou moins d’autonomie pour chacun de leurs établissements. Cette structuration a logiquement produit une abondance documentaire que l’on peut, dans un premier temps, classer schématiquement en trois catégories : les textes normatifs et réglementaires de l’ordre, la jurisprudence de la gouvernance produite à tous les niveaux, les échanges entre chacun des niveaux de la gouvernance. Prendre la gouvernance pour objet central, impose donc une double compétence, managériale et historique, car elle exige à la fois une maîtrise des cadres théoriques de la gouvernance des organisations et la capacité d’une rigoureuse analyse critique des sources.
On prendra comme point de départ heuristique la définition, admise en sciences de gestion, du système de gouvernance des organisations comme « l’ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et,d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit, qui  »gouvernent » leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire » (Charreaux, 1997). L’étude des organes de la gouvernance et de leur fonctionnement dans des situations historiques permet de comprendre comment ils influencent ou non les décisions et les choix stratégiques du dirigeant, comment ils déterminent ou non l’efficacité organisationnelle du système, comment enfin l’instance de direction peut adopter des stratégies d’évitement ou de neutralisation des organes de gouvernance. Ces choix et leur mise en oeuvre déterminent la performance d’une organisation, c’est-à-dire sa capacité à atteindre les objectifs qui lui sont assignés par ses différentes parties prenantes. La perception d’un niveau de performance acceptable par les parties prenantes est ensuite une condition nécessaire pour un maintien durable de la « coalition » organisationnelle. Selon les modèles de gouvernance définis par les constitutions ou statuts des ordres ou des établissements, ce modèle de la « coalition » organisationnelle sera plus ou moins pertinent et le recours à une analyse historique fine devra permettre de comprendre comment se construit, se maintient ou se déconstruit le consensus qui rend possible la performance organisationnelle
A ce niveau d’analyse, se pose la question de la vérification de l’opérabilité de ses concepts dans un cadre historique ancien en repérant les possibles transpositions/traductions conceptuelles entre le monde entrepreneurial et le monde monastique. Il faudra faire intervenir le poids de la contextualisation institutionnelle et historique et de la manière dont elle pèse sur la définition et la compréhension de tel ou tel rouage organisationnel : le père abbé et le président directeur général sont-ils interchangeables – à toutes les époques et dans tous les cas – dans un modèle organisationnel parce qu’ils sont l’instance de décision ? L’institution monastique présente l’intérêt d’offrir la possibilité d’une étude multi-scalaire. Dans leur fonctionnement, la gouvernance et ses mécanismes peuvent être schématiquement et sans entrer dans les variantes propres à chaque ordre, appréhendés à trois niveaux : celui de l’établissement (abbé, prieur, gardien, custode etc., et chapitre), celui de la province (provincial, chapitre) et celui de l’ordre ou de la congrégation (abbé ou supérieur général, chapitre général, définitoire, visiteurs).