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Thèse en cotutelle avec l’Université d’Anvers, 2000 Antwerpen (BELGIQUE)

Membres du jury :

Mme Natacha COQUERY, Université Lumière Lyon 2, Directrice de thèse

M. Ilja VAN DAMME, Université d’Anvers, Co-directeur de thèse

M. Marnix BEYEN, Université d’Anvers, Co-directeur de thèse

M. Bruno BLONDÉ, Université d’Anvers, Président

M. Pasi IHALAINEN Université de Jyväskylä, Rapporteur

Mme Josephine HOEGAERTS, Université d’Amsterdam, Rapporteure

Mme Sylvie APRILE, Université Paris-Nanterre, Examinatrice

Résumé :

Cette thèse a étudié de manière comparative les politiques parlementaires françaises vis-à-vis le luxe et la consommation au cours de trois années révolutionnaires, 1789, 1830 et 1848. Remettant en question l’idée largement répandue mais peu corroborée selon laquelle la consommation serait devenue de plus en plus dépolitisée après la chute de l’Ancien Régime, cette recherche a fourni de preuves empiriques que la consommation était un point de discussion important sous différents régimes politiques français modernes. La lecture attentive des débats parlementaires a révélé que la consommation et, plus largement, le développement contemporain du consumérisme en France étaient considérés comme inextricablement liés aux questions plus larges de la citoyenneté, de la représentation et de l’identité politique. Par conséquent, ces sujets constituant des questions politiques de première importance justifiaient un débat entre les représentants des organes législatifs nationales sur les manières d’exploiter, d’encourager ou de remodeler le comportement de consommateur.e.s dans l’intérêt du bien-être de l’État et de ses concitoyens.

Sur la base de l’analyse des discours parlementaires et des articles de presses électionnés, trois « régimes de consommation » peuvent être distingués parmi les trois études de cas, caractérisés par des décisions politiques différentes, des hiérarchies changeantes entre consommation publique et privée, des notions fluctuantes de citoyenneté et des interprétations alternatives de l’héritage de la Révolution française. En 1789, les débats étaient caractérisés par un sens démocratique de la moralité des consommateur.e.s, en 1830, les discussions gravitent principalement autour des notions de la rationalité des consommateur.e.s bourgeois.e.s, et en 1848, les idées liées à l’égalité républicaine des consommateur.e.s sont devenues plus présentes dans les discours parlementaires. Loin de constituer des courants de pensée monolithiques, ces discours sur le luxe et la consommation étaient, à l’instar de la politique du début du XIXe siècle, chargés de conflits et de tensions. Sous les trois régimes, des éléments idéologiques contre-hégémoniques peuvent être observés dans les discours parlementaires, reflétant les réalités politiques instables et polarisées créées dans le sillage des bouleversements révolutionnaires. Au lieu d’être totalement marginalisés, les arguments de l’opposition ont souvent été intégrés d’une manière ou d’une autre dans les discours de la majorité politique : en 1789, les partisans de la monarchie ont laissé leur marque en orientant le débat vers une attaque contre la consommation de luxe des ecclésiastiques. En 1830, les libéraux de la monarchie de Juillet ont intégré des notions républicaines de simplicité, de vertu et de souveraineté populaire dans le discours gouvernemental pour étayer les privilèges du roi-citoyen. En 1848, même sous le gouvernement provisoire, les préoccupations pressantes concernant la crise économique et la fuite des capitaux, qui

mettaient en péril le développement d’une république démocratique et sociale, ainsi que la puissance internationale et l’expansion impériale de la France, ont fini par estomper des possibles discours sur l’austérité et la redistribution des richesses. Ces conceptualisations parlementaires contestées des consommation et des consommateur.e.s mettent en lumière l’histoire complexe de la généalogie du consommateur en tant qu’entité politique avant 1850, ainsi que les dimensions politiques profondes de la consommation en tant que phénomène sociale, économique et culturelle. En prenant en compte cet encadrement politique du développement historique de la culture de la consommation en France et en déployant une optique parlementaire, cette thèse a tenté d’écrire une nouvelle histoire politique de la consommation et de la citoyenneté en France à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle.