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Membre du jury
- Paula Barreiro López, Université Toulouse II Jean Jaurès, Directrice de thèse
- Laia Manonelles Moner, Universitat de Barcelona, Co-directrice de thèse
- Sonia Kerfa, Université Grenoble Alpes, Présidente du jury
- María Dolores Jiménez-Blanco Carrillo de Albornoz, Universidad Complutense de Madrid, Rapporteure
- Vinicius Pontes Spricigo, Universidade Federal de São Paulo, Rapporteur
Résumé :
Cette thèse propose une analyse croisée des biennales de Venise, São Paulo et La Havane, trois événements de grande importance pour la construction de la scène internationale de l’art contemporain entre 1968 et 1989. Cette étude permet de retracer l’histoire de la mise en examen du modèle traditionnel de la biennale et sa transformation en un modèle renouvelé et critique, qui s’est façonné dans la triangulation de ces trois événements. Bien que l’historiographie ait mis en avant La Havane comme lieu de configuration d’un nouveau modèle, cette thèse démontre que cette transformation a été le résultat d’un travail conjoint mais délocalisé impliquant, à des moments et sous des formes diverses, les trois biennales. En effet, Venise et São Paulo ont joué un rôle crucial qui, cependant, est resté dans l’ombre jusqu’à présent.
Cette recherche intègre l’analyse de la réflexion théorique et de l’expérimentation pratique du nouveau modèle, tout en accordant une attention particulière à la circulation des idées et des personnes, ainsi qu’au contexte historique et géopolitique de la guerre froide dans lequel s’est opérée la reformulation. Ainsi, la transformation du modèle est étudiée selon une approche interdisciplinaire qui s’appuie sur l’histoire des expositions, l’histoire globale de l’art, l’histoire croisée ainsi que sur les sciences sociales et politiques. Cette méthodologie est enrichie par un rigoureux travail d’archives réalisé au Brésil, à Cuba, en France et en Italie, permettant l’accès à une documentation inédite.
La thèse démontre que le processus de reformulation a été déclenché par la crise survenue dans les biennales à la fin des années 1960. Dès lors, la volonté de transformer le modèle a entrelacé l’histoire des biennales de Venise, São Paulo et La Havane, créant des réseaux transnationaux d’artistes, de critiques et d’historiens de l’art, et engendrant des transferts culturels. L’analyse des débats théoriques et des expérimentations pratiques menés dans ces contextes révèle non seulement que les biennales se sont observées mutuellement, mais, aussi, que grâce à la circulation des acteurs culturels dans l’espace atlantique, les idées liées à la reformulation ont franchi les frontières transocéaniques.
En outre, l’examen de ces décennies met en évidence que la transformation du modèle ne se limite pas à la modification d’éléments structurels (le thème, les représentations nationales et les prix), mais vise à doter les organisateurs d’un véritable contrôle sur la biennale et à lui conférer un caractère de recherche, allant jusqu’à la transformer en un instrument de lutte politique. En effet, comme le souligne cette étude, la politique institutionnelle a constamment accompagné la restructuration du modèle et les contextes historiques et géopolitiques ont directement influencé certaines décisions et lignes d’action.
En définitive, en mettant en lumière la structure complexe sous-jacente à la transformation du modèle contemporain de la biennale, cette thèse dessine une carte composée de cartographies superposées qui révèlent l’histoire croisée et collective des biennales de Venise, de São Paulo et de La Havane. Ce faisant, elle identifie 1968 comme un point tournant dans l’histoire de ce format d’exposition et présente 1989 comme une année où convergèrent les trajectoires des décennies antérieures. Parallèlement, cette recherche restitue à Venise et São Paulo le rôle central qu’elles ont véritablement occupé et reconsidère le rôle historiquement attribué à La Havane, notamment en révélant sa propre (et partagée) voie de restructuration.